Sénégal Sénégal

Je te quitte alors que je viens à peine de te connaître,
Sur ta peau rouge latérite, je parcours,
Ta terre aride, tes villages animés
De petits enfants, de zébus,
De chèvres, de marchands,
Et peut-être, aussi, d’une partie de moi-même.

Je me souviendrai des délices que tu m’as offerts,
Thiéboudienne, Ndolé, poissons yassa, thiof,
Mafé, attiéké, foufou banane et magnoc.
Au lever, le thiakry et ses jus bissap, bouye et ditakh.
Dans l’intimité des foyers, des tamariniers qui déploient leurs branches,
Et protègent de ton soleil généreux et tranquille.

Tu chantes des histoires tristes, les mémoires terribles de Gorée,
Tes récits sont effroyables mais ils sont vrais.

Tu pleures aussi les nouvelles de maintenant,
Sur la place de la Nation, les cris des étudiants s’élèvent contre le président.

Sur ta plage de Saint-Louis,
Des barques creuses comme des cajous si fragiles et agiles,
Amènent des pêches fructueuses,
Que tous s’affairent à embarquer,
Sur les charrettes, les camions pour la grande ville.

Dans la campagne entre Dakar et Toubab Dialao,
Les gendarmes, les talibés, les écoles coraniques et toutes ces maisons qui attendent des étages.

Entre les branches grises des baobabs,
Qui portent à dos les pains de singe,
Comme des bébés bercés au vent,
J’ai aperçu ta silhouette.

C’est une âme de là-bas,
Mariama Bâ ou Blaise Diagne,
De cet endroit invisible qui cueille les morts
Et certains mortels égarés.

Sénégal, tu ouvres les portes des Keur,
Et laisses entrer les sons sérères et wolof
Sur les plaines chantent, chantent, chantent à étirer
les nuages, à ensorceler la terre,
Les troupeaux, et toute l’humanité.